L’APPRENTI CHERCHEUR
ETUDE D’UNE TABLETTE DE PYLOS EN LINEAIRE B
la structure sociale
Le contenu des tablettesLes tablettes d’argile que l’on a retrouvée se concentrent pour la majeure partie sur deux sites : Cnossos en Crète et Pylos au sud-est du Péloponnèse. Si on n’en a pas retrouvé davantage, c’est qu’il faut des conditions particulières à leur conservation : elles sont en effet faites d’un matériau par nature facilement destructible par la pluie, la brisure ...
Une fois qu’une tablette comptable n’avait plus d’usage, elle était pilée et retravaillée (de l’écologie avant l’heure
!), ou bien effacée ou encore grattée. Celles qui nous sont restées résultent donc essentiellement de la ‘cuisson’ due à l’incendie d’un palais, qui les a durcies et solidifiées. Ce que nous avons est donc une photographie instantanée avant la destruction d’un palais, qu’elle soit due à des événements naturels ou guerriers.
Si elles nous enseignent beaucoup sur la vie d’un palais, elles nous disent en revanche peu de choses sur la vie quotidienne du Grec moyen qu’il soit helladique, mycénien ou minoen
[*rappel : ces trois mots appliqués aux hommes désignent davantage des zones de peuplement (continent, Péloponnèse et Crète) que des temps historiques différents]. Peu de choses sur les loisirs, la religion, la nourriture au quotidien… Il faut trouver d’autres biais d’études comme les fresques, les différents types et usages de poterie, les restes fossilisés de nourriture,
etc.
Analyse sommaire d’une tablette ; un exemple PY Er312
[notes : le nom des tablettes commencent toujours par les deux premières lettres du lieu où elles ont été trouvées ; les noms écrits en toutes lettres sur la tablette représentent des pictogrammes][reconstitution d’après J. Chadwick, le déchiffrement du linéaire B, aux origines de la langue grecque, Gallimard, NRF, p.232]
Ligne 1 : On connaît bien chez Homère le mot
anax qui signifie roi, chef (<
wanaks –
wanakteros, adjectif = royal, du roi); c’est ainsi que sont nommés les princes mycéniens et troyens. Il est aussi associé à Zeus (plus rarement à d’autres dieux) :
Zeus anax = Zeus tout-puissant. L’
anax est maître du palais et détenteur du pouvoir, au sommet de la hiérarchie sociale.
Ligne 3 :
rawagesijo (=
lawagesion adjectif : du
lawagetas ; les scribes ne notent pas les consonnes isolées et le r roulé = l). Etymologiquement, le
lawagetas est un conducteur (
agetas) de troupes (
lawos), donc un chef militaire. Dans la hiérarchie sociale, il vient directement après l’
anax.
Ligne 4 : le
telestès (<
teretao adjectif = des
telestai) est étymologiquement une personne qui est en charge de quelque chose ; l’usage du mot en grec classique (Ve s. av. J.-C.) revêt une signification religieuse ; il n’est pas impossible que déjà à date haute il s’agisse de prêtres, en charge d’un culte ‘subventionné’ par la maison royale, ce qui serait cohérent avec la ligne suivante qui mentionne une assemblée cultuelle. ‘terre en friche’ est douteux… Chadwick le lie avec le grec classique
eremos = désert mais on peut aussi le rapprocher du verbe
ereo = demander : il s’agirait alors d’une sorte d’aumône, ce qui explique aussi la faible quantité donnée (ou due ?).
La hiérarchie sociale :La tablette livre une partie de la hiérarchie sociale :
au sommet l’
anax, pourvoir central supérieur
puis le
lawagetas, pouvoir militaire
et les
telestai, pouvoir religieux ?. A noter que chaque
telestès reçoit (ou doit ?) autant de semence que le
lawagetas.
On sait par d’autres tablettes que seuls l’
anax et le
lawagetas peuvent posséder un territoire étendu (
temenos de la tablette) et des employés fixes.
Peut-être existait-il aussi une
gerousia ou conseil des anciens, comme c’était encore le cas à Sparte à l’époque classique. Mais ce n’est visible que sur une seule tablette de Pylos et n’est donc pas généralisable.
Il existait aussi des
eqetai (sg.
eqetes), on a retrouvé leurs uniformes, ils sont mentionnés avec des chars et leur nom a clairement à voir avec la racine indo-européenne qui désigne les chevaux (latin :
equites = cavaliers), sans doute une armée sinon de métier, au moins une troupe d'hommes entraînés. Retournaient-ils à la vie paysanne après le service des armes ? ou sont-ils des citoyens de première classe, les plus riches, ceux qui peuvent entretenir monture et équipage, comme chez les Romains ?
Les dignitaires provinciaux (sortes de maires) portent dans d’autres tablettes le nom de
ko-re-te , les
khoretes, responsables d'une région (
khorè) ; son adjoint s’appelle
po-ro-ko-re-te, le
phorokhoretes. En grec classique, on dirait plutôt
démarque (qui dirige l’ensemble des citoyens =
demos) ou
nomarque (qui dirige le nome et donc l’ensemble des terres), tout dépend de la fonction qui lui est assignée.
Enfin le
demos, ou ensemble des citoyens (
demotes sg,
demotai pl), et les esclaves (
koros ou
kouros masc.,
korè ou
kourè fém.), décrits dans les tablettes comme du butin de guerre.
La mesure : La terre se mesure en quantité de semence nécessaire (
pe-ma de la tablette =
sperma). Bien difficile alors de faire des comparaisons avec nos propres unités de mesure. Les chiffres proposés sont conjoncturels et tirés de savant calculs sur la rentabilité supposée des récoltes et la grandeur des terres.
Organigramme social (avec marge de doute...
)
proposition d'adaptation des statuts d'Egyptis à HellenosReste à savoir si :
il faut imiter la structure très centralisée des Grecs autour des Palais : l'anax et le Lawagetas possèdent toutes les parcelles et les donnent à travailler
il faut imiter la structure d'Egyptis et rendre chaque joueur propriétaire de sa propre parcelle
Bibliographie :J. Chadwick,
le déchiffrement du linéaire B, aux origines de la langue grecque, Gallimard NRF, 1972, trad. de P. Ruffel.
X. Delamarre,
le vocabulaire indo-européen, lexique étymologique thématique, Maisonneuve, 1984.